Le géant de la voiture électrique Tesla fait face à un recul spectaculaire de la fidélité de ses clients aux États-Unis, un phénomène inédit dans son histoire. À l’origine de cette désaffection : la position politique d’Elon Musk, qui a publiquement soutenu Donald Trump après l’attentat raté contre ce dernier en juillet 2024. En quelques mois, la marque adulée pour son innovation et son audace technologique est devenue, pour une partie de ses clients, un symbole politique diviseur.
Une fidélité qui s’érode brutalement
À son apogée en juin 2024, Tesla affichait un taux de fidélité record de 73 %, dépassant toutes les autres marques automobiles sur le marché américain. Ce taux mesurait la proportion de foyers achetant à nouveau un Tesla après avoir déjà possédé un modèle de la marque. Mais dès le mois suivant, ce chiffre s’est effondré à mesure que les prises de position politiques d’Elon Musk s’intensifiaient.
En mars 2025, la fidélité client tombe à 49,9 %, soit sous la moyenne du secteur automobile. Un plancher historique, qui place Tesla en retrait par rapport à des marques comme Chevrolet ou Ford. Ce désamour est particulièrement marqué chez les électeurs libéraux et les clients urbains, longtemps socle de la base Tesla, qui associent désormais la marque à une polarisation politique contraire à leurs valeurs environnementales ou sociales.
Les causes d’un basculement
Plusieurs facteurs ont contribué à ce revirement rapide :
- Le soutien public de Musk à Donald Trump, perçu comme une trahison par de nombreux consommateurs progressistes
- Le lancement du projet DOGE (Department of Government Efficiency) par Trump, appuyé par Musk, entraînant des suppressions massives d’emplois publics
- Des prises de parole controversées de Musk sur les réseaux sociaux, attisant les clivages culturels
- Une gamme de produits peu renouvelée, malgré des attentes fortes autour du Cybertruck
- Une concurrence en pleine montée en puissance, notamment chez les constructeurs historiques et asiatiques
Ce cocktail explosif a entraîné un véritable rejet de la marque par une partie de son propre public. Des campagnes comme Tesla Takedown ont incité des centaines d’anciens clients à revendre leurs véhicules ou à boycotter la marque, transformant une crise de réputation en problème commercial tangible.
Une baisse tangible des ventes et de l’image
Conséquence directe de cette défiance, les ventes de Tesla ont chuté de –13 % au deuxième trimestre 2025 sur le marché nord-américain, un recul inédit depuis plus de dix ans. Parallèlement, les sondages d’opinion montrent que près de 50 % des adultes américains interrogés ont désormais une perception négative de la marque Tesla.
À cela s’ajoutent des incidents graves : actes de vandalisme sur des Superchargers, attaques ciblées sur les propriétaires de Tesla dans certains États, et publications de données personnelles d’employés Tesla sur des plateformes hostiles. L’environnement autour de la marque est devenu toxique, fragilisant son positionnement historique d’entreprise avant-gardiste et apolitique.
Évolution du taux de fidélité à Tesla (2024-2025)
Mois | Taux de fidélité | Événement notable |
---|---|---|
Juin 2024 | 73 % | Point culminant, avant les tensions politiques |
Juillet 2024 | 66 % | Soutien public de Musk à Trump |
Octobre 2024 | 58 % | Début des manifestations anti-Tesla |
Mars 2025 | 49,9 % | Plan d’action DOGE et licenciements fédéraux |
Mai 2025 | 57,4 % | Légère reprise après lancement Model 2 |
Le pari risqué d’une personnalisation extrême
En récompensant Musk avec un nouveau plan d’attribution d’actions de près de 29 milliards de dollars en août 2025, le conseil d’administration de Tesla confirme son alignement total avec son fondateur. Ce choix stratégique vise à garantir la continuité dans un contexte incertain, mais soulève des questions sur la gouvernance et l’indépendance stratégique du groupe.
Cette personnalisation extrême de la marque autour de Musk, longtemps vue comme un atout, devient aujourd’hui un handicap majeur. Si Tesla conserve des atouts technologiques et une image forte auprès de certains segments, sa base traditionnelle s’érode. Pour reconquérir les clients perdus, il ne suffira plus de sortir de nouveaux modèles ou d’annoncer des innovations : c’est la confiance qu’il faudra regagner.
Un avenir à reconstruire
Tesla n’est pas à l’agonie, mais elle affronte l’un des défis les plus profonds de son existence. L’entreprise devra redéfinir sa communication, son identité et sa relation client dans un environnement où les frontières entre technologie, politique et société sont devenues poreuses. Sans cela, elle risque de devenir, malgré elle, le symbole d’une époque où l’opinion publique peut faire vaciller les empires les plus puissants.