Le marché américain des véhicules électriques aborde un virage décisif. Le budget fédéral met fin aux subventions EV au 30 septembre 2025, supprimant le crédit d’impôt de 7 500 $ sur le neuf et de 4 000 $ sur l’occasion. À court terme, les constructeurs anticipent un rush de livraisons avant l’échéance, suivi d’un trou d’air au quatrième trimestre. En face, la Chine maintient un arsenal d’aides – exonérations fiscales NEV, investissements réseau, politique industrielle – et affiche une part EV domestique autour de ~50 % des ventes en 2024. Deux trajectoires qui s’éloignent au moment où les coûts batteries, les droits de douane et la concurrence prix se durcissent.
Ce qui change vraiment aux États-Unis
La coupure des incitations fédérales rebat la structure de prix : le ticket d’entrée grimpe mécaniquement de 7 500 $ pour nombre de modèles éligibles, et l’attrition à l’occasion pourrait s’accentuer sans le crédit de 4 000 $. La dynamique 2025 était déjà molle (~+1,5 % au premier semestre) ; la disparition des crédits ajoute une marche négative dans un contexte où les droits de douane renchérissent batteries et électroniques. Les marques réorientent leurs plans : plus d’hybrides, EV compacts, plateformes « low-cost », et décalage des grands programmes énergivores en cellules.
Effets attendus sur la demande et les gammes
- Effet d’aubaine jusqu’au 30/09/2025 (livraisons accélérées, promotions, stocks « prêts à partir »).
- Atterrissage au T4 2025 : volumes EV sous pression, arbitrage des ménages vers l’hybride et les finitions inférieures.
- Repricing : repositionnements tarifaires, packs simplifiés, coûts BOM traqués (LFP, architecture 400 V optimisée, électronique de puissance standardisée).
- Distribution : rotation d’inventaire plus lente hors segments porteurs (urbains compacts, utilitaires légers électrifiés).
La Chine consolide son avance
Le dispositif d’exonération de taxe d’achat NEV est prolongé jusqu’à fin 2025 (plafond 30 000 ¥ par véhicule), puis réduit de moitié en 2026–2027 (plafond 15 000 ¥). Ces allègements s’additionnent à des leviers structurels : densification du réseau de recharge, soutien R&D, effets d’échelle sur la chimie LFP et la chaîne batterie. Résultat : une base de coûts compétitive, des prix planchers agressifs et des volumes export croissants, réorientés vers l’Asie émergente, l’Afrique et l’Amérique latine lorsque les portes occidentales se ferment.
Tableau de bord — deux politiques, deux trajectoires
| Thème | États-Unis (2025) | Chine (2025–2027) | Conséquence marché |
|---|---|---|---|
| Subventions à l’achat | Fin des crédits 7 500 $ (neuf) et 4 000 $ (occasion) au 30/09/2025 | Exonération taxe d’achat NEV jusqu’à fin 2025 (plafond 30 000 ¥), puis 15 000 ¥ en 2026–2027 | US : trou d’air post-échéance ; Chine : soutien continu de la demande |
| Part EV dans les ventes | Progression lente H1 2025 (~+1,5 % YoY) | Autour de ~50 % en 2024, trajectoire haussière | Avantage volumes/learning curve côté Chine |
| Coûts & tarifs | Droits de douane accrus sur cellules/composants | Effets d’échelle LFP, intégration locale élevée | Écart de coûts structurel en faveur des offres chinoises |
| Stratégie produit | Pivot vers hybrides et EV compacts, reports sur grands EV | Largeur de gamme EV, offensive prix | Pression concurrentielle sur le segment entrée/milieu de gamme |
| Réseau & infra | Déploiement inégal, dépendance à l’initiative privée | Planification centralisée, capex public/privé coordonné | Expérience utilisateur plus homogène côté Chine |
Implications financières pour les constructeurs US
Sans crédit fédéral, le coût total de possession grimpe, sauf à compresser marges et BOM. Attendus : rabais constructeurs ciblés, durcissement des critères d’éligibilité aux financements captifs, mise en avant des versions LFP pour tenir des prix « psychologiques ». Les nouveaux entrants exposés (pertes opérationnelles, moindre diversification) pourraient revoir leur cadence d’investissement. À l’inverse, les groupes capables de basculer vite sur des plateformes modulaires à bas coût et d’optimiser l’assemblage US (pour neutraliser une partie des droits) amortiront mieux le choc.
Ce que verront les consommateurs
Jusqu’à fin septembre, abondance de véhicules éligibles livrables, primes commerciales et communication « dernière chance ». Après l’échéance, hausse des mensualités à équipement équivalent, montée en puissance des hybrides et des EV d’entrée de gamme, et plus de transparence sur les chimies batteries (LFP vs NMC) pour justifier les écarts de prix/autonomie. Le réseau de recharge restera un facteur de décision majeur ; l’accès à des hubs rapides fiables pèsera autant que la fiche technique.
À surveiller d’ici et après 30/09/2025
- Taux de conversion des commandes en livraisons avant l’échéance.
- Niveaux d’inventaire EV au détail et durée moyenne de stock au T4.
- Mix produit (hybrides vs EV, LFP vs NMC) et élasticité prix.
- Guidances 2026 : marges, capex batteries, rythme d’industrialisation US.
- Offensive export chinoise vers marchés émergents et effets sur les prix mondiaux.
Lecture stratégique
La fin des subventions fédérales force le marché US à tester la résilience organique de la demande EV : sans filet budgétaire, seuls survivront les modèles au meilleur rapport coût/usage et les filières capables d’industrialiser des architectures sobres (moins de cellules, électronique standardisée, efficience aérodynamique). Pendant ce temps, la Chine capitalise sur ses économies d’échelle, sa politique d’aides et une filière batterie intégrée pour consolider un avantage coûts/volumes. L’écart qui se creuse aujourd’hui conditionnera la compétitivité prix et l’innovation de la décennie à venir ; pour les acteurs US, l’urgence est de livrer des EV plus simples, moins chers, mieux fabriqués et vite.
