La Commission européenne s’apprête à frapper fort en accélérant la transition énergétique du parc automobile professionnel. Une proposition de loi en cours de finalisation imposera aux entreprises de location et aux flottes de sociétés d’acheter exclusivement des véhicules 100 % électriques à partir de 2030. Cette initiative, bien plus ambitieuse que les obligations prévues pour le grand public, vise à transformer structurellement le marché automobile européen.
Une cible stratégique : les loueurs et grandes flottes
Les entreprises de location et les grandes flottes représentent environ 60 % des immatriculations de voitures neuves dans l’Union européenne. En ciblant ce levier, la Commission entend massifier l’offre de véhicules électriques sur le marché, accélérer le renouvellement des parcs et inonder le marché de l’occasion avec des modèles plus récents et propres dès les années 2030. Des acteurs comme Europcar, Hertz ou Sixt seront directement concernés et devront adapter leur stratégie d’achat dès 2027.
Un calendrier serré et des quotas intermédiaires
Le calendrier de mise en œuvre prévoit un quota de 75 % de véhicules électriques dans les nouvelles acquisitions dès 2027, pour atteindre 100 % à partir de 2030. Cette échéance précède de cinq ans l’interdiction de vente de véhicules thermiques pour les particuliers, prévue pour 2035 dans l’UE. L’objectif est clair : faire des entreprises les fers de lance de l’électrification automobile.
Des mesures fiscales complémentaires à l’étude
En parallèle de cette obligation d’achat, la Commission européenne envisage de supprimer progressivement les avantages fiscaux associés aux véhicules thermiques utilisés comme voitures de société. Cela permettrait d’orienter fiscalement les choix des entreprises tout en assurant une cohérence entre incitations et régulation. Le double levier réglementaire et fiscal devrait agir comme catalyseur de la transition.
Des impacts profonds sur l’écosystème automobile
Cette future réglementation s’inscrit dans le cadre du plan européen « Fit for 55 », qui vise une réduction de 55 % des émissions de CO₂ d’ici 2030. L’effet attendu de cette mesure dépasse largement le périmètre des flottes : elle vise à créer un marché de seconde main plus fourni en véhicules zéro émission, rendant les modèles électriques plus abordables pour les ménages à moyen terme.
En revanche, cette orientation inquiète une partie de l’industrie. Plusieurs acteurs du leasing redoutent une dégradation de la valeur résiduelle des véhicules électriques, encore difficilement prédictible à long terme. Cela pourrait impacter leur rentabilité et renchérir le coût des loyers pour les clients. De plus, certains responsables politiques, notamment en Allemagne, alertent sur le risque de déséquilibre industriel si la technologie EV ne s’impose pas aussi vite qu’espéré.
État du marché et défis logistiques
En 2024, les voitures électriques représentaient 13,6 % des ventes dans l’Union, avec des disparités marquées entre les pays. Malgré une reprise à 15 % début 2025, la progression reste fragile et dépend fortement du maintien des aides publiques et du déploiement d’infrastructures de recharge suffisantes.
Les loueurs vont devoir faire face à plusieurs défis majeurs :
- Adapter rapidement leurs infrastructures pour accueillir et entretenir des flottes électriques
- Former leur personnel à l’entretien et à la gestion des VE
- Assurer la rotation de leurs véhicules avec une valeur de revente suffisante
- Rassurer les clients professionnels sur l’autonomie, la recharge et la fiabilité
Vers une réorganisation complète du marché
Cette réforme marque une rupture décisive dans la manière dont les flottes automobiles seront gérées en Europe. Elle pourrait initier une vague de consolidation dans le secteur du leasing, favoriser les acteurs capables d’absorber les coûts d’adaptation et ouvrir la voie à de nouveaux services associés (recharge, maintenance, software de pilotage énergétique, etc.).
L’Union européenne prend ainsi un risque calculé en misant sur le pouvoir d’entraînement des flottes professionnelles. Si cette transition est bien accompagnée, elle pourrait précipiter l’Europe dans l’ère post-thermique avec plusieurs années d’avance sur le calendrier initial.