La transition énergétique s’accélère, plaçant les véhicules électriques (VE) au cœur des stratégies pour un avenir plus propre. Toutefois, sous les feux de la rampe environnementale, une actrice essentielle reste dans l’ombre : l’eau. Souvent occultée, la consommation d’eau engendrée par la fabrication des VE suscite une prise de conscience croissante. Alors que la demande pour ces véhicules vise les sommets, l’industrie doit affronter l’épineuse question de l’impact hydrique. En effet, de l’assemblage de batterie à l’extraction des métaux nécessaires, chaque étape renferme un coût en eau qui, s’il est négligé, pourrait compromettre l’intégrité des ressources hydriques mondiales. Cet article dévoile la quantité d’eau dissimulée derrière chaque VE et mesure l’empreinte liquide de ces automobiles de demain. De l’industrie automobile aux solutions de demain, embarquons pour une immersion dans le cycle de vie hydrique d’une voiture pas si ordinaire.
Quelle est la consommation d’eau dans la production de batteries électriques ?
La production de batteries est un pilier central de la fabrication d’un véhicule électrique. Ce processus gourmand en ressources commence par l’extraction de minéraux clefs, tels que le lithium, le cobalt, le nickel et le cuivre, et se poursuit avec leur transformation en cellules de batteries. Pour la seule fabrication d’une batterie de Tesla de 64 kWh, il faut compter environ 3.840 litres d’eau. Par contraste, la fabrication d’un smartphone nécessite environ 900 litres d’eau et celle d’un ordinateur portable monte à près de 20.000 litres.
En adéquation avec la transition énergétique, des innovations sont en cours pour optimiser l’empreinte hydrique de la production de batteries. Des méthodes de recyclage avancées, l’utilisation accrue de matériaux durables ou encore la réduction de la dépendance aux minéraux critiques, figurent parmi les pistes explorées pour amoindrir la consommation d’eau.
Les semi-conducteurs des voitures électriques aggravent-ils la crise de l’eau ?
Chaque semiconductor, un composant clé des systèmes électroniques des véhicules électriques, nécessite près de 100 litres d’eau pour sa production. Taïwan, leader mondial avec 70% de la production totale de puces pour VE, consomme quotidiennement 156.000 tonnes d’eau rien que pour cette industrie, entraînant un conflit d’usage avec l’agriculture locale et exacerbant les effets d’une sévère sécheresse.
Face à cela, des compagnies telles que la Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) prennent des mesures pour réduire leur consommation d’eau, comme la réutilisation de l’eau usée et des investissements dans des technologies plus efficientes. Ces efforts visent non seulement à atténuer l’impact environnemental, mais aussi à s’assurer de la pérennité des opérations en zone aride.
Ces considérations nous mènent à nous interroger sur les répercussions des activités minières, fondamentales aux VE, sur les communautés locales et les ressources en eau.
Pénurie d’eau : des communautés en danger à cause de l’extraction de métaux ?
Les procédés d’extraction des métaux nécessaires aux batteries des véhicules électriques, comme le lithium, le cobalt et le nickel, consomment de grandes quantités d’eau, qui pourraient affecter les ressources hydriques locales. Pour extraire une tonne de lithium, il peut falloir entre 41.000 et 1,9 million de litres d’eau, et le processus d’extraction de métaux tels que le cuivre et le nickel est également extrêmement gourmand en eau, pouvant respectivement aller jusqu’à 270 litres et 1.700 litres pour seulement un kilogramme.
Ces pratiques industrielles ont des conséquences directes sur des communautés telles que Bou Azzer au Maroc, où les mines de cobalt exploitent l’équivalent de la consommation d’eau de 50.000 personnes par an, menaçant la disponibilité de l’eau pour les besoins essentiels des populations locales. En Afrique, l’extraction minière induit souvent une raréfaction des ressources en eau, mettant en péril les communautés et les écosystèmes.
Face à cette situation, des solutions comme le recyclage des eaux utilisées dans le processus minier, la recherche de nouvelles technologies d’extraction moins intensives en eau, ou la mise en place d’accords garantissant un partage équitable de l’eau entre industriels et populations sont essentielles pour assurer une exploitation durable des minéraux.
Hydrogène vert ou illusion bleue : l’eau est-elle le talon d’Achille ?
L’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, est souvent vanté comme un carburant propre pour l’avenir. Toutefois, sa production peut être considérée comme une course poursuite avec l’élément même qu’il prétend protéger : l’eau. Il faut environ 1,4 litre d’eau pour créer un litre de carburant synthétique, et ce chiffre peut s’élever à 70 litres d’eau pour un litre d’hydrogène produit de manière écologique.
Comparativement, la production d’hydrogène reste moins gourmande en eau que les carburants fossiles, mais son échelle de production actuelle ne supporte pas encore une comparaison directe. De plus, le rendement de l’hydrogène, dans l’état actuel des technologies, impose de questionner si l’envolée prévue de cette industrie ne risque pas d’exacerber la pression sur les ressources hydriques, en particulier dans des régions déjà touchées par la sécheresse.
La clé réside dans l’amélioration des procédés de production, notamment par l’électrolyse à haute efficacité et l’optimisation de la gestion de l’eau. L’évolution vers une industrie de l’hydrogène réellement durable dépendra de la capacité à innover et à réduire constamment son impact environnemental, y compris sa consommation d’eau.
Comment anticiper les risques de pénurie d’eau liés au boom des voitures électriques ?
La projection d’une croissance exponentielle du marché des véhicules électriques est à double tranchant : elle promet une réduction significative des émissions de CO2 mais pourrait aussi entraîner une consommation d’eau accrue. Anticiper et gérer les risques de pénurie d’eau suppose une collaboration proactive entre les gouvernements, l’industrie automobile et les parties prenantes. Pour cela, il est essentiel d’intégrer une gestion de l’eau durable dès la conception et le processus de production.
Des stratégies telles que le développement de normes industrielles pour l’efficacité de l’utilisation de l’eau, l’investissement dans des technologies de production propres, et l’exploitation des eaux usées ou non conventionnelles sont impératives. De même, les politiques gouvernementales peuvent inciter à une utilisation plus rationnelle des ressources hydriques, notamment à travers des subventions pour les technologies d’épuration et de réutilisation de l’eau. Enfin, l’innovation dans la recherche de nouveaux matériaux moins dépendants de ressources en eau rares ou critiques peut contribuer à une moindre empreinte hydrique.
Le rôle de la recherche est fondamental pour le développement de pratiques durables. Par exemple, l’optimisation du recyclage des batteries peut réduire l’extraction de nouveaux matériaux et ainsi la consommation d’eau associée. Les défis sont multiples, mais les solutions émergentes promettent de mitiger les risques de pénurie d’eau liés à l’avenir électrique de la mobilité.
Quelles alternatives aux pratiques actuelles pour préserver l’eau ?
Avec l’ascension de la transition vers l’électromobilité, la quête d’alternatives économes en eau devient pressante. Des technologies émergentes, comme celle des batteries à état solide, pourraient offrir des rendements plus élevés avec une consommation d’eau réduite. D’autres innovations se concentrent sur le remplacement de matériaux critiques par des substances plus abondantes et nécessitant moins d’eau lors de leur traitement.
La quantité d’eau nécessaire à la production peut également être diminuée par l’amélioration des normes et pratiques industrielles. Privilégier les sources d’énergie renouvelables dans la fabrication et valoriser les eaux grises sont des évolutions positives vers une industrie moins assoiffée. Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer : en privilégiant l’achat de voitures électriques conçues de manière éco-responsable ou bien par le biais du covoiturage, ils peuvent réduire indirectement le besoin global de production et donc l’empreinte hydrique associée.