La tempête frappe de plein fouet l’industrie automobile européenne. Tandis que les immatriculations chutent brutalement, les piliers historiques du secteur, Stellantis et Renault en tête, vacillent sous le poids d’une crise à plusieurs visages : contraction du marché, concurrence étrangère, mutations technologiques et déséquilibres géopolitiques. Derrière les chiffres, c’est tout un écosystème qui vacille, de la chaîne de production aux objectifs financiers.
Un marché en repli généralisé
En juin 2025, les ventes de voitures neuves en Europe ont reculé de plus de 5 %, avec une chute de 7,3 % dans l’Union européenne. Tous les grands constructeurs sont touchés. Renault et Stellantis enregistrent un recul identique de 12,3 %, tandis que Volkswagen et Hyundai affichent respectivement –6,1 % et –8,7 %. En France, Stellantis s’effondre de 16 % sur le seul mois de juin. Sur l’ensemble du premier semestre, le marché français a perdu 6,4 % d’immatriculations, confirmant la tendance dépressive du secteur.
Stellantis dans le rouge
Le groupe Stellantis est l’exemple le plus frappant de la crise actuelle. Au premier semestre 2025, il annonce une perte nette de 2,3 milliards d’euros, là où il avait généré un bénéfice de 5,6 milliards l’année précédente. Le chiffre d’affaires chute de 12 %, atteignant 74,3 milliards d’euros, tandis que le cash-flow devient négatif à hauteur de 3 milliards. Trois facteurs principaux expliquent ce retournement brutal :
- Des droits de douane américains particulièrement pénalisants, qui auraient coûté 300 à 350 millions d’euros au premier trimestre ;
- Une provision exceptionnelle de 3,3 milliards pour l’abandon de projets dans l’hydrogène, la dépréciation d’actifs industriels et des plans de restructuration internes ;
- Une forte baisse des ventes de véhicules utilitaires : –25 % en Amérique du Nord et –6 % en Europe.
Renault révise ses ambitions à la baisse
Renault ne s’en sort guère mieux. Si les ventes de voitures particulières ont progressé de 8,4 % au deuxième trimestre, cette performance a été annulée par une chute de 29 % des ventes de véhicules utilitaires légers. Résultat : des volumes globaux quasiment stables (–0,1 %) et une révision à la baisse des prévisions annuelles. La marge opérationnelle attendue pour 2025 passe de 7 % à 6,5 %, et le flux de trésorerie libre est ramené entre 1 et 1,5 milliard d’euros, contre plus de 2 milliards prévus initialement. Le départ de Luca de Meo et la nomination de Duncan Minto au poste de PDG par intérim ajoutent une dose d’incertitude stratégique à un contexte déjà délicat.
Un malaise structurel dans toute la filière
La dégradation touche aussi les ventes de véhicules professionnels, avec un recul de 12 % observé en France début 2025. Cette contraction n’est plus seulement conjoncturelle. Elle traduit une crise de confiance et une fragilisation de la demande. L’industrie est prise en étau entre les surcoûts liés à la transition électrique, les investissements imposés par les normes environnementales, les fermetures d’usines pour adapter la production, et l’irruption de concurrents asiatiques, notamment chinois, qui proposent des véhicules jusqu’à 40 % moins chers.
Les équipementiers dans la tourmente
Les répercussions de cette crise dépassent les seuls constructeurs. Les sous-traitants et équipementiers souffrent de manière tout aussi aiguë. Des sites emblématiques ferment leurs portes, comme l’usine Bosch de Rodez. Des milliers d’emplois sont menacés dans les territoires, accélérant une désindustrialisation qui fragilise le tissu économique local. Dans ce contexte, la transition vers l’électrification devient un saut périlleux pour les PME de la filière, peu armées pour absorber des chocs aussi violents.
Une industrie à réinventer d’urgence
Le malaise est profond. La combinaison d’un marché en recul, d’investissements massifs exigés par l’électrique, de tensions commerciales et d’un retard technologique dans les logiciels embarqués rend l’industrie européenne vulnérable. La perte de parts de marché, la désorganisation des chaînes logistiques et la baisse des marges opérationnelles fragilisent les groupes historiques. Sans adaptation rapide, l’Europe automobile pourrait perdre sa souveraineté industrielle dans un secteur qui fut, durant des décennies, un fleuron de son économie.
Constructeur | Variation des ventes (juin 2025) | Résultat net S1 2025 |
---|---|---|
Stellantis | –12,3 % | –2,3 milliards € |
Renault | –12,3 % | Non communiqué, révision à la baisse des objectifs |
Volkswagen | –6,1 % | Stable |
Hyundai | –8,7 % | Stable |
Face à cette “grande panne” industrielle, les choix politiques et stratégiques à venir seront cruciaux. Il ne s’agit plus seulement de réagir, mais de redéfinir un modèle industriel cohérent, compétitif et soutenable. L’enjeu est double : préserver les savoir-faire tout en embrassant l’innovation technologique. Une équation aussi urgente que vitale.