Prototype unique dévoilé en 1938, le Phantom Corsair concentre l’ambition d’un jeune industriel, Rust Heinz, et le savoir faire du carrossier Maurice Schwartz à Pasadena. Pensé pour une micro série mais stoppé par la disparition accidentelle de son créateur en 1939, il reste l’un des manifestes les plus audacieux de l’ère streamlining. Profil effilé, roues carénées, habitacle large et bardé d’équipements futuristes, il incarne une vision de l’automobile de luxe rapide et exclusive qui préfigure la supercar moderne.
Un projet personnel devenu icône
Héritier de la famille Heinz, Rust Heinz finance la conception sur base de châssis et d’organes mécaniques Cord 810. La traction avant et la boîte à présélection électrique à quatre rapports libèrent le dessin de la proue et facilitent une ligne de capot très basse. L’objectif était clair et assumé: produire quelques exemplaires à un tarif astronomique pour l’époque, avec un niveau d’innovation rarement vu sur route ouverte.
Design lissé et aérodynamique d’avant garde
La carrosserie en acier et aluminium adopte des volumes continus sans ailes rapportées, des roues totalement carénées et des pare chocs intégrés. Long d’environ 6,02 m pour 1,94 m de large et 1,45 m de haut, le Corsair frappe par son assiette plaquée au sol et son toit filant. La suppression des marchepieds, les joints affleurants et le soubassement travaillé traduisent une obsession pour la traînée. Les portes n’ont pas de poignées et s’ouvrent via des boutons poussoirs extérieurs ou depuis le tableau de bord, un détail spectaculaire pour les contemporains.
Un habitacle de laboratoire
Six places sont prévues avec quatre assises de front et deux strapontins arrière. L’instrumentation s’inspire de l’aéronautique avec boussole, altimètre et un bandeau d’alertes au pavillon qui signale portes mal fermées, phares ou radio allumés. Le vitrage de sécurité teinté vert et l’isolant liège caoutchouc améliorent le confort acoustique. L’ensemble compose un poste de conduite high tech pour 1938, qui annonce des fonctionnalités devenues banales bien plus tard.
Mécanique Cord et performances stylées
Le Phantom Corsair reprend le V8 Lycoming de 4,7 litres à soupapes latérales, accouplé à la boîte à présélection Cord. Les témoignages d’époque et de restauration situent la puissance entre environ 125 ch et jusqu’à 190 ch selon la présence évoquée d’un compresseur. Grâce au profilage, la vitesse de pointe atteint près de 115 mph, soit environ 185 km h, malgré un poids proche de 2,07 tonnes. Plus que les chiffres bruts, c’est la manière de les atteindre qui impressionne: stabilité, silence relatif et efficience pour son temps.
Caractéristique | Phantom Corsair (1938) | Commentaire |
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Architecture | Traction avant, châssis et organes Cord 810 | Permet capot très bas et habitacle large |
Moteur | V8 Lycoming 4,7 L | Soupapes latérales, alimentation selon versions |
Boîte | Présélection électrique 4 rapports | Technologie avancée pour l’époque |
Puissance estimée | 125 à 190 ch | Variations selon configuration et récits |
Vitesse max | Environ 115 mph soit 185 km h | Portée par l’aérodynamique |
Dimensions | Longueur 6,02 m, largeur 1,94 m, hauteur 1,45 m | Gabarit hors norme pour 1938 |
Poids | Environ 2,07 t | Structure acier et équipements luxueux |
Portes | Ouverture électrique sans poignées | Système à boutons poussoirs |
Places | 6 | 4 de front et 2 strapontins |
Coût de fabrication | Près de 24 000 dollars | Prototype unique, matériaux et travail artisanal |
Prix visé en série limitée | Environ 12 500 dollars | Positionnement ultra haut de gamme |
Culture pop et trajectoire singulière
En 1938, le Phantom Corsair apparaît au cinéma sous le surnom Flying Wombat dans la comédie The Young in Heart. Son style futuriste y gagne un écho international. Après la mort de Rust Heinz, l’unique exemplaire change de propriétaires avant d’être acquis par William Harrah qui le restaure dans son état originel. Il est aujourd’hui conservé au National Automobile Museum à Reno, pièce phare de la Harrah Collection qui attire toujours les curieux des concours d’élégance et des expositions dédiées au streamlining.
Pourquoi il mérite le titre de supercar avant l’heure
Le Phantom Corsair coche les marqueurs d’une supercar bien avant que le terme ne se popularise. Exclusivité absolue avec un seul exemplaire. Performance élevée pour son époque via l’aérodynamique. Innovations d’usage comme l’ouverture électrique des portes et l’alerte centralisée des fonctions. Recherche stylistique radicale qui impose une silhouette basse et large. Et enfin un tarif visé qui le plaçait au sommet de la pyramide automobile. Autant d’éléments qui en font un manifeste technique et culturel, à la fois rétro insolite et visionnaire.
Les clés de sa postérité
- Vision d’ensemble qui unifie style, aérodynamique et ergonomie plutôt que d’ajouter des effets.
- Packaging audacieux rendu possible par la traction avant Cord qui libère le dessin.
- Technologies de confort et d’alerte rarement vues en 1938 et devenues la norme des voitures de luxe.
- Rareté absolue qui nourrit la légende et protège la valeur historique.
- Empreinte culturelle via le cinéma et les grandes collections, qui maintient sa notoriété auprès du grand public.
Un jalon qui continue d’inspirer
Objet d’étude pour les historiens comme pour les designers, le Phantom Corsair illustre la bascule du style Art déco vers le streamlining industriel. Sa ligne lisse et ses solutions d’intégration anticipent les démarches aérodynamiques des décennies suivantes. Unique mais fertile, il nous rappelle qu’une automobile peut être une déclaration d’intentions autant qu’un moyen de transport. À la croisée du luxe, de l’innovation et de l’esthétique, il demeure un repère pour qui s’intéresse à l’évolution des voitures rapides et exclusives.