Après deux décennies de domination allemande sur le marché automobile premium américain, l’année 2025 marque un bouleversement historique : Lexus dépasse BMW en volume de ventes trimestrielles sur le sol américain. Un événement que peu d’analystes avaient anticipé, mais qui s’explique par une conjonction de facteurs économiques, technologiques et géopolitiques. Décryptage d’un tournant stratégique.
Une victoire symbolique au deuxième trimestre 2025
Selon les chiffres récemment publiés, Lexus a vendu 95 923 véhicules au deuxième trimestre 2025, contre 90 884 pour BMW, soit 5 039 unités de plus. Ce dépassement peut sembler modeste, mais il représente une rupture majeure sur un marché où BMW trônait en tête depuis plus de 10 ans. Sur l’ensemble du premier semestre, l’écart reste minime : Lexus devance BMW de seulement 467 unités, mais cela suffit pour changer la dynamique de la concurrence.
Cette performance de Lexus intervient malgré un environnement incertain, marqué par des difficultés d’approvisionnement et des tensions commerciales. Mais elle traduit une stratégie gagnante à plusieurs niveaux.
Les raisons de la percée de Lexus
1. Une gamme électrifiée en phase avec la demande
Lexus a massivement investi dans les motorisations hybrides et électrifiées, devenant l’un des pionniers du segment premium sur ce terrain. En 2025, près de 50 % des ventes de Toyota/Lexus aux États-Unis sont électrifiées, une statistique qui témoigne de l’attrait croissant pour les modèles plus sobres et écologiques.
Alors que BMW enregistre une baisse de 21 % sur ses ventes de véhicules 100 % électriques (BEV), Lexus profite d’un positionnement hybride plus adapté à un public encore hésitant à passer au tout électrique.
2. Une image de fiabilité et de confort
Depuis sa création en 1989, Lexus cultive une réputation de fiabilité, de confort et de qualité perçue. Sur le marché américain, cela pèse lourd dans la décision d’achat. Contrairement aux marques européennes souvent associées à un luxe plus “sportif”, Lexus propose une expérience premium axée sur la discrétion et la durabilité.
Les études de satisfaction client, comme celles de J.D. Power, placent régulièrement Lexus en tête en matière de satisfaction à long terme et de coûts d’entretien maîtrisés.
3. Des tarifs douaniers favorables
Le contexte géopolitique a également joué en faveur de Lexus. Les droits de douane de 25 % imposés sur certains véhicules importés depuis l’Europe ont pénalisé les constructeurs allemands, dont BMW est l’un des plus touchés. Lexus, avec une part significative de ses modèles produits en Amérique du Nord, bénéficie d’une chaîne logistique plus souple et de coûts d’importation moindres.
Bien que BMW ait anticipé une baisse de ces tarifs à partir de juillet 2025, le premier semestre s’est avéré difficile sur ce plan.
Une stratégie Lexus tournée vers la croissance
Loin de se contenter de cette avance ponctuelle, Lexus ambitionne de poursuivre sa progression sur le marché nord-américain. Pour l’année 2025, la marque vise une croissance annuelle de 7 %, bien au-delà de ses projections initiales (+2 %). Parmi les leviers activés :
- Lancement de nouveaux modèles hybrides et électrifiés, comme le Lexus NX et le RX, très appréciés sur le segment des SUV compacts.
- Renforcement du réseau de distribution et de service aux États-Unis.
- Campagnes marketing axées sur la technologie embarquée et la tranquillité d’esprit (garantie, fiabilité, coût de possession).
BMW : un leader toujours solide, mais sous pression
Malgré ce recul, BMW reste un acteur très compétitif avec 178 499 véhicules vendus sur les six premiers mois de l’année. La marque allemande a enregistré une croissance globale de 1,6 %, grâce notamment à une bonne performance en Europe.
Cependant, plusieurs défis se posent :
- Une baisse significative des ventes de véhicules électriques aux États-Unis, due en partie à une concurrence accrue et à une transition énergétique mal calibrée.
- Un positionnement prix plus élevé que Lexus, qui devient un frein dans un contexte inflationniste.
- Des modèles phares (Série 3, X5) en attente de restylage ou renouvellement face à des rivaux plus frais.
BMW peut encore inverser la tendance, notamment grâce à l’assouplissement attendu des droits de douane et à l’arrivée de nouveaux modèles plus efficients. Mais le message est clair : la couronne est désormais contestée.
Vers un rééquilibrage durable du marché premium ?
Ce changement de hiérarchie marque-t-il un tournant ponctuel ou le début d’un nouvel ordre dans le haut de gamme ? Tout dépendra de la capacité des deux marques à innover, s’adapter et fidéliser leur clientèle.
Points à surveiller pour la suite de 2025 :
- La réaction de BMW sur le segment électrique, avec les lancements prévus pour fin 2025.
- L’évolution des tarifs douaniers, qui pourraient redonner un avantage compétitif aux marques européennes.
- Le comportement des consommateurs américains, très sensibles aux enjeux d’écologie, mais encore attachés à l’autonomie et au confort.
Une bataille de longue haleine
En dépassant BMW au deuxième trimestre 2025, Lexus envoie un signal fort : la performance passe aussi par la cohérence stratégique, la fiabilité perçue et la capacité à anticiper les évolutions du marché. Face à elle, BMW reste un géant doté de ressources considérables, capable de riposter rapidement.
Le marché premium américain entre donc dans une nouvelle ère de compétition, plus ouverte, plus dynamique, et sans doute plus passionnante.