Au milieu des prototypes de course et des mécaniques héroïques, une Peugeot 504 en état remarquable a aimanté les regards au Mans Classic 2025. Cette « perle », croisée sur le parking de l’événement, rappelle que la 504 n’est pas seulement une grande routière des années 70 : c’est un morceau de mémoire collective, une automobile qui a accompagné familles, taxis et aventuriers sur des millions de kilomètres.
Pourquoi cette 504 a fait chavirer les cœurs
Parce qu’elle réunit tout ce qui forge la légende du modèle : une ligne subtilement tendue par l’école Pininfarina, un capot long et un arrière joliment « bossu », une position de conduite naturelle, et ce confort « moelleux » qui a fait la réputation de Peugeot. L’exemplaire mis en lumière, de millésime 1969, évoque les débuts de carrière d’une berline sacrée Voiture de l’année 1969 et devenue, très vite, une évidence sur les routes françaises et africaines.
Un succès industriel hors norme
La 504 débute fin 1968 et connaîtra une carrière exceptionnellement longue. Toutes variantes confondues (berline, break/familiale, pick-up, coupé, cabriolet), elle dépasse 3,7 millions d’exemplaires produits. Mieux : sa fabrication se poursuit bien au-delà de l’arrêt européen, jusqu’en 2001 au Kenya et en Argentine, tandis que le pick-up restera au catalogue français jusqu’en 1996. Son omniprésence d’hier contraste aujourd’hui avec la rareté des exemplaires encore sains, la corrosion ayant fait son œuvre sur bien des voitures à fort kilométrage.
Technique et conduite : la 504 change la donne
Par rapport à la 404, la 504 franchit un cap technologique. Elle adopte un train arrière à roues indépendantes guidées par deux bras obliques et quatre freins à disques, offrant une tenue de route rassurante et un confort souverain sur mauvais revêtements. Sous le capot, les blocs évoluent : 1,8 l à carburateur (≈ 87 ch SAE) et à injection (≈ 103 ch SAE) au lancement ; 2,0 l dès 1970 (≈ 93–104 ch DIN) ; puis l’increvable diesel Indenor 2,1 l (≈ 65 ch) qui fera les beaux jours des taxis. À bord, l’ingéniosité est partout : appuie-têtes et dossiers se reconfigurent pour former de véritables couchettes, une trouvaille de routière au long cours.
Variantes, retouches et détails qui comptent
La 504 se démultiplie : berline, break/familiale, pick-up, mais aussi les raffinés coupé et cabriolet (dès 1969), ce dernier recevant le V6 PRV en 1974. Les évolutions de mi-carrière ajoutent des aérations de montants (1972), des finitions GL/TI et un levier au plancher (1973), des poignées encastrées et clignotants blancs (1975), puis des vitres électriques sur TI (1976). Autant de touches qui jalonnent une carrière au long cours et nourrissent aujourd’hui l’intérêt des collectionneurs.
Le Mans Classic 2025 : un écrin à la hauteur
Du 3 au 6 juillet 2025, Le Mans Classic a rassemblé plus de 235 000 spectateurs (jusqu’à 238 000 selon les bilans), et plus de 9 000 voitures de clubs ont occupé les allées. Dans ce décor foisonnant, une 504 en état quasi-musée, patinée juste ce qu’il faut, incarne la montée en puissance des « voitures du peuple » très bien conservées : celles qui racontent la vraie vie des routes, loin des podiums officiels, mais si proches des souvenirs partagés.
Cotation et tendances du marché
La cote grimpe avec l’état et la rareté : une berline saine passe difficilement sous les 8 000 €, tandis que les carrosseries spéciales tutoient des niveaux bien supérieurs. Les cabriolets peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros ; un V6 a, par exemple, franchi le seuil des 54 000 € à l’été 2025 en Allemagne, quand des cabriolets en configuration plus simple se négocient autour de 20 000 € selon l’historique et l’état. Cette tension des prix reflète un intérêt croissant pour les 504 précoces (1969-1972) préservées et peu restaurées.
Repères utiles et évolution du modèle
Période / Version | Caractéristiques clés | Repères de valeur (indicatifs) |
---|---|---|
1968–1971 (débuts) | 1,8 l carbu/injection, 4 disques, roues arrière indépendantes, Voiture de l’année 1969 | Berline en bel état : ≥ 8 000 € |
1970–1976 (montée en gamme) | 2,0 l (≈ 93–104 ch DIN), finitions GL/TI, levier plancher (1973), poignées encastrées (1975) | Break/familiale saines : +10–15 % vs berline |
Coupé & Cabriolet | Lignes Pininfarina, V6 PRV dès 1974 sur cabriolet | Cabriolet V6 : ≈ 54 000 € (vente 2025) ; autres cabriolets : ≈ 20 000 €+ |
Pick-up & marchés export | Production prolongée (Kenya/Argentine jusqu’en 2001), pick-up vendu en France jusqu’en 1996 | Valeurs très variables selon usage et état |
Comment repérer une « perle » et la préserver
- Carrosserie : inspecter bas de caisse, passages d’ailes, points d’ancrage de suspension (corrosion).
- Trains roulants : vérifier le jeu des bras obliques et l’état des silentblocs ; un essai doit confirmer la stabilité.
- Freinage : 4 disques d’époque : s’assurer du bon équilibrage et de l’état du circuit.
- Moteurs : carburateurs/injection bien réglés ; diesel Indenor endurant, mais à contrôler (compression, fumées).
- Intérieur : rechercher tissus et éléments d’origine (garnitures, combinés, accessoires) ; la valeur grimpe avec l’authenticité.
- Dossier : historique limpide, factures, CT récents ; un carnet solide justifie une prime.
Au-delà de la nostalgie : un patrimoine vivant
Voir une 504 « perle » au Mans Classic, c’est mesurer à quel point cette Peugeot concentre des qualités qui dépassent la seule nostalgie : une ingénierie simple et durable, une confortabilité rare, un style qui a bien vieilli. Dans un rendez-vous attirant des centaines de voitures de course et des milliers de modèles de clubs, l’attention portée à une berline populaire en état d’origine dit quelque chose de notre époque : le patrimoine n’est pas qu’une affaire de podiums, c’est d’abord une histoire de transmissions, de routes partagées et de souvenirs qui roulent encore.
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